mardi 19 février 2008

Biennale de Venise : Hommage à Malick Sidibé.

Intitulé « Pense avec les sens, ressens avec ton esprit - L'art dans le temps présent », la 52e édition de la Biennale de Venise met la création photographique africaine à l'honneur. Pour la première fois, le Lion d'or à la carrière est attribué à un Africain, le Malien Malick Sidibé. Pour l'occasion, une partie de son travail, est exposé l'arsenal, un des lieux de la biennale.

M. Sidibé est le portraitiste illustre et de référence de sa ville et de sa nation, cultivant en même temps un profond intérêt pour la scène musicale de son pays, le Mali. C'est ainsi, qu'on peut admirer ses oeuvres, dans la section internationale, en écoutant de la musique. Les visiteurs, venus du monde entier célébrer l'art contemporain, peuvent s'imaginer dans les rues de Bamako. Selon Robert Storr, directeur artistique de la Biennale, il a participé à l'enrichissement des archives photographiques de l'Afrique et a affiné notre connaissance des tons et des transformations qui ont caractérisé la culture africaine entre la seconde moitié du vingtième siècle et le début de notre siècle. Le photographe, exerçant depuis plus « 60 ans dans le quartier de Bamako-Bagadadji », a tenu à souligner qu'à travers ce prix, c'est la création en Afrique qui est récompensée. Ce que Robert Storr affirme en déclarant sa volonté de mettre en valeur les artistes du continent africain.

Grande première pour cette 52e édition 2007, la présence d'un pavillon africain. Hormis certains artistes sud-africains et dont Jane Alexander (1995), rares ont été les artistes d'autres pays d'Afrique à avoir participé aux précédentes éditions de la Biennale de Venise. On peut cependant citer : Moustapha Dimé (1993), Ousmane Sow (1995), Abdoulaye Konaté (1997), Ousmane Ndiaye Dago (2001), Pascale Martine Tayou (2005). Cette exposition s'annonce comme un manifeste en faveur d'une création contemporaine en perpétuel repositionnement face aux évolutions technologiques. Intitulée Check List Luanda Pop, la sélection artistique de ce pavillon réunit les oeuvres de 30 artistes issus du continent ou de la diaspora. Malgré les polémiques politiciennes et politisées concernant la mise en en place de cette manifestation innovante, le pavillon révèle le dynamisme de l'art contemporain en Afrique. Les oeuvres présentées sont issus en partie de la collection de l'homme d'affaires congolais sindika Dokolo. Celle-ci est la première « collection africaine d'oeuvre d'art contemporain» existante sur le continent africain. Ce fond privé est sans doute annociateur de la naissance d'un marché de l'art africain contemporain au sein même des frontières continentales. Simon Njami, directeur de la biennale de Bamako, critique d'art et cofondateur de la célèbre Revue Noire et Fernando Alvim se sont occupés de la direction artistique de ce pavillon. Pour les commissaires, il s'agit d'en finir avec ce discours focalisé sur une esthétique africaine. L'artiste en Afrique est avant tout une individualité, avec un style propre, il est le témoin des sociétés qu'il observe. Pour cela, il emploie toutes les voix d'expressions artistiques : De l'installation vidéo de Iosvanny qui nous donne à voir plusieurs vues de la ville de Luanda à la reconstruction in situ, par l'artiste Paulo Kapela, d'un mur d'affiches nous rappelant l'atelier de l'artiste à Luanda. On y retrouve des photographes : Santu Mofokeng, Oladélé Bamgboyé (Nigéria) Kiluanji Kia Henda (Angola) ou encore Nástio Mosquito (Angola). Ces photographes nous rappellent à quel point leur art est ancré dans le présent. Les images rendent compte de leur perception des milieux urbains dans lesquels ils évoluent, se construisent et se pensent. Cette vague de photographes semble vouloir s'écarter des modèles construit autour de la notion de photographie contemporaine.

La ville est abordée sous tous les aspects (flux migratoires, identités territoriales,...) La déambulation dans cet espace, conçu sur le mode des campo vénitiens, invite le spectateur à se perdre dans une Afrique artistique multiple. On retrouve dans les constructions artistiques des artistes tel que Mounir Fatmi ou Yinka Shonibare une volonté d'affirmer une individualité artistique et d'ancrer, à travers un style propre et novateur, leur point de vue sur la création contemporaine. Cette belle expérience est le moyen pour la nouvelle génération de photographes de confronter les points de vues et d'élargir le champ de la pratique artistique en y instillant un nouveau regard.

Check List nous rappelle la nécessité pour l'Afrique de se doter de ses propres forces de travail et de ses propres forces de production. Alors que les critiques et galeristes des pavillons nationaux, notamment le pavillon français, décrient le vieillissement de cette manifestation qui peine à se renouveler, le pavillon africain sans doute le « plus indépendant de tous », dans la sélection des artistes, souhaite affirmer, l'existence et l'autonomie de l'Afrique dans ce monde de l'art contemporain encore hermétique à cette nouvelle vague d'artistes.

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